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Étoiles variables

Qu'est-ce que c'est ? Comment on les observe ?

Lecture de 7 Minutes

Une carte du ciel. Les étoiles sont représentées par des points noirs. La taille des points indique la magnitue.

Les étoiles variables sont des étoiles dont la luminosité varie au cours du temps. En regardant la façon dont sa lumière varie, on peut en déduire des propriétés physiques de l'étoile. Cette expérience a été proposée en 2019 et en 2020 aux participants « deuxième étoile » du camp astro de Planète Sciences.

Introduction

En 1596, David Fabricius vit l'étoile omicron de la Baleine apparaître et disparaître. Il pensa d’abord que c'était une novæ, avant de la voir apparaître à nouveau en 1609. C’est la première observation recensée d'étoile variable periodique, mais ce n’est qu’au 19e siècle que des astronomes entreprirent l’observation systématique d'étoiles variables.

Pour connaître les variations d’une étoile, on peut utiliser un photomètre pour mesurer sa magnitude au cours du temps, ou bien on peut estimer sa magnitude en la comparant à celle d'étoiles voisines à l'œil (avec des jumelles ou un télescope) ou dans une image prise avec un appareil photo. Ici, c’est la méthode « à l'œil » qui est décrite.

Types d'étoiles variables

Plusieurs phénomènes peuvent causer la variation en magnitude d’une étoile. Ces phénomènes peuvent être intrinsèques (propres à la physique de l'étoile) ou extrinsèques (dû à des causes externes).

  • La présence de taches stellaires à la surface d’une étoile causera une baisse périodique de la luminosité du fait de la rotation de l'étoile. Ce sont les variables par rotation.
  • Des exoplanètes dont le plan orbital est parallèle à la ligne de visée passeront périodiquement devant l'étoile. L’exoplanète obscurcira l'étoile à chaque passage.
  • Les étoiles binaires dont le plan orbital est parallèle à la ligne de visée sont appelées variables à éclipse. L’une des étoiles du système binaire cache l’autre lorsque l’une passe devant l’autre, ce qui provoque un abaissement périodique de la luminosité.
  • Les variables éruptives sont le siège de processus violents ou « flare » dans leur couronne. Les changements d'éclat sont accompagnés d’une éjection de matière dans le milieu environnant et sont imprévisibles.
  • L’enveloppe des étoiles dans certaines parties du diagramme H/R se dilate et se contracte, ce qui affecte leur magnitude et leur spectre. Ces étoiles sont appelées variables pulsantes. La plupart des variables recensées sont de ce type.
  • Dans certains systèmes binaires, les deux étoiles sont si proches que de la matière de l’une est arrachée par le champ de pesanteur de l’autre. Ces variables, appelées cataclysmiques, peuvent provoquer des novas : une augmentation de l'éclat qui peut être de l’ordre de 10 magnitudes.

Observer une étoile variable

Il s’agit d’observer une étoile variable et deux étoiles de magnitude fixe afin de comparer leurs magnitudes. Il faut prendre quelques précautions afin d'éviter les principaux biais. Les deux étoiles de comparaison doivent être visibles dans le même champ que l'étoile variable. Si les étoiles sont sur le bord du champ, il vaut mieux déplacer l’instrument rapidement pour voir successivement l'étoile variable et l'étoile de comparaison au centre du champ. En effet, l’image sera plus déformée au bord du champ qu’au centre.

De plus, la sensibilité rétinienne n’est pas uniforme sur toute la surface de la rétine. Le bord de la rétine est principalement constitué de bâtonnets, sensibles aux faibles éclairements. Au contraire, le centre de la rétine est principalement constitué de cônes, avec un meilleur pouvoir séparateur, mais moins sensibles aux faibles éclairements. Il est donc indispensable de regarder chaque étoile avec la même partie de l'œil. Pour faciliter les estimations, on peut « étaler » l’image en la dé-focalisant.

Avec des jumelles, il est possible d’observer les étoiles avec une magnitude jusqu’à 9,5. Au delà, il faut utiliser un télescope, de préférence avec une grande ouverture.

Une carte du ciel. Les étoiles sont représentées par des points noirs. La taille des points indique la magnitue.

Une carte des étoiles voisines de l'étoile à observer telle que celle ci-dessus peut être obtenue à partir des coordonnées équatoriales de l'étoile variable sur le site de l’association américaine des observateurs d'étoiles variables. Sur cette carte, les dixièmes de magnitude sont indiqués. Ainsi, une étoile étiquettée « 85 » a une magnitude de 8,5.

Méthode de consignation des données

Pour estimer la magnitude de notre étoile variable (notons la $V$), on cherche dans le champ d’observation une étoile qui apparaît juste plus brillante (que nous noterons $A$) que la variable et une juste plus faible (que nous noterons $B$). On compare la magnitude de l'étoile variable à ces deux étoiles de magnitude fixe et connue avec la méthode d’estimation des degrés.

Cette méthode consiste à déterminer combien de « degrés » séparent $A$ de $V$ d’une part, $V$ de $B$ d’autre part, l'étoile la plus brillante étant toujours placée en tête. Les « degrés » ont été inventés par Herschel au 19e siècle, puis améliorés par Argelander qui a donné son nom à la méthode. Les degrés sont définis de la façon suivante :

Si, au premier coup d'œil, les étoiles paraissent également brillantes mais que je reconnaisse par un examen attentif et par passages réitérés de $A$ à $V$ et de $V$ à $A$ que, sauf de rares exceptions, $A$ brille plus que $V$, je dis que $A$ est de 1 « degré » plus brillant que $V$ et j'écris : $$A\ 1\ V$$

Si, malgré une égalité à premiére vue, l'étoile $A$ apparaît à l’examen constamment et sans hésitation légérement plus brillante que $V$, j'évalue la différence à 2 « degrés » et j'écris : $$A\ 2\ V$$

Une différence qui tombe au premier coup d'œil vaut 3 « degrés » et s'écrit : $$A\ 3\ V$$

Une différence encore plus manifeste entre les deux étoiles représente 4 « degrés » et sera notée : $$A\ 4\ V$$

Enfin si une véritable disproportion existe entre les deux étoiles, cette différence vaut 5 « degrés » : $$A\ 5\ V$$

On procède ensuite de la même façon pour la comparaison entre $V$ et $B$ pour obtenir un expression du genre « $A\ 2\ V\ 1\ B$ ». De façon plus générale, on note « $A\ x\ V\ y\ B$ », avec $x$ le nombre de degrés séparant $A$ et $V$, et $y$ le nombre de degrés séparant $V$ et $B$. On estime ensuite la magnitude de l'étoile variable en faisant une règle de trois : $$ m_V = m_A + x \cdot \frac{m_B - m_A}{x+y} $$ On arrondi ce résultat au dixième de degré le plus proche.

Relevé de mesures

Les observations peuvent être notées dans le tableau ci-dessous. La première ligne est un exemple fictif de consignation d’observation.

Une estimation, consignée sur la feuille d’observations, ne doit jamais être modifiée par la suite.

Après avoir effectué les mesures, on peut tracer la courbe de la magnitude en fonction du temps. Attention à ne pas tracer la courbe avant d’avoir complété la campagne de mesures, afin que les mesures suivantes ne soient pas influencées par nos attentes.

Pour aller plus loin

Utilisation de la photo

Nous avons décrit la méthode d’observation « à l'œil », mais il est possible de transposer cette méthode avec des capteurs CCD ou CMOS. Dans ce cas, il vaut mieux utiliser un télescope de large ouverture. La photographie présente l’avantage d'être un témoignage irrécusable et impersonnel.

Utilisation par des pros des observations amateures

Les observations amateurs peuvent être exploitées par les astronomes professionels. En effet, certaines étoiles comme les Mira Ceti ont des variations de magnitude imprévisibles. Elles doivent donc être surveillées en permanence afin de ne pas rater le moment où leur magnitude ou leur spectre varie. Les instruments utilisés par les astronomes professionnels étant peu nombreux, ils ne peuvent pas surveiller toutes les étoiles en permanence. Les astronomes amateurs en revanche, bien qu’ils aient des instruments moins puissants, peuvent consigner leurs résultats d’observation et informer les professionels lorsqu’un événement exceptionel se produit.

Ainsi une équipe de radio-astronomes de Nançay a utilisé les observations visuelles faites par les variabilistes de l’Association Française des Observateurs d'Étoiles Variables (AFOEV) pour mettre en évidence la corrélation, avec un certain décalage, entre les variations optiques et radio de plusieurs étoiles du type mira. De nombreuses novae ont été découvertes par les amateurs, quelquefois avant qu’elles n’atteignent leur maximum d'éclat ; les astronomes professionnels, informés sans délai, ont ainsi pu les observer spectrographiquement et les spectres obtenus ont permis de préciser la nature de ces objets.

Les observations faites par les membres de l’AFOEV sont rassemblées par l’association, traitées et stockées sur l’ordinateur du Centre de Données Astronomiques de l’Observatoire de Strasbourg où elles sont à la libre disposition des astronomes professionnels du monde entier.

Liens

Conclusion

J’espère vous avoir donné envie de tenter l’expérience. En choisissant bien son étoile, on peut même voir la lumière d’une étoile varier avec juste une paire de jumelles, ou même à l'œil nu !

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À Propos

Docteur, astrophysicienne. Je joue de l'euphonium, du clavier et du télescope quand je peux.