Atmosphères des exoplanètes
Conférence Exosystemes II, jour 2
Voici le troisième article de la série de résumés des présentations de la conférence Exosystèmes II qui s’est tenue à Toulouse du 30 novembre au 2 décembre. Chaque article peut être lu indépendemment des autres. Vous pouvez trouver les autres résumés aux liens suivants :
Le thème de la deuxième journée d’Exosystèmes II est l’atmosphère des exoplanètes. En effet, on peut observer les propriétés des atmosphères des exoplanètes lors des transits (lorsque l’exoplanète passe devant son étoile). Une partie de la lumière de l'étoile va alors traverser l’atmosphère de l’exoplanète avant d’arriver jusqu'à nous. En comparant la lumière de l'étoile lorsque l’exoplanète est devant à la lumière de l'étoile lorsque l’exoplanète n’est pas devant, on peut contraindre, par exemple, la composition de l’atmosphère.
(French) connection entre l’atmosphère et l’intérieur des planètes
En étudiant l’atmosphère de la planète Jupiter (par exemple avec la sonde Juno), on peut en déduire des choses sur l’intérieur de la planète.
Dans notre quotidien, si deux objets sont faits de la même matière, on a l’habitude que l’objet plus gros soit plus lourd, et vice versa. Pour les objets célestes, ce n’est pas toujours le cas. Pour les objets qui font environ 10 000 fois la masse de la Terre, lorsque la masse augmente, le rayon décroit. Environ 10 000 masses terrestres, ça correspond à une naine brune.
Ici, on voit qu'à partir d’une certaine masse, le rayon cesse d’augmenter, et même diminue. En effet, le gaz au cœur de l’objet va devenir dégénéré à cause de la pression. Puis, la fusion de l’hydrogène devient possible (c’est-a-dire que les objets sont suffisamment massifs pour être des étoiles), et le rayon des objets recommence à augmenter avec la masse.
Pour décrire l’intérieur d’une étoile, on utilise des équations qui modélisent ce qui se passe à l’intérieur. Pour résoudre ces équations, on a besoin de poser des conditions aux limites. Une condition limite pratique à utiliser, c’est la surface de l'étoile, c’est-à-dire la frontière entre l'étoile et son atmosphère. Mais où commence l’atmosphère et où commence l’intérieur de l'étoile ? C’est une question moins triviale qu’elle n’en a l’air.
On peut appliquer le même type de systèmes d'équations à l’intérieur des planètes gazeuses.
Les observations laissent penser que les Jupiter chauds (des géantes gazeuses très proches de leur étoile, parfois plus proches même que Mercure ne l’est du Soleil) sont enflés. Ça pourrait être dû au fait qu’elles sont chauffées par leur étoile : sous l’effet de la chaleur, le gaz se dilate et prend plus de place. Mais cette hypothèse n’est pas suffisante pour expliquer les observations. En effet, il faudrait des milliards d’années – plus que la durée de vie d’une étoile – pour que la chaleur se diffuse jusqu’au centre de la planète.
Il faut aussi prendre en compte l’atmosphère, qui forme une sorte de « couvercle » qui empêche les photons de sortir. À cause de leur atmosphère, les Jupiter chauds refroidissent plus doucement. Divers autres mécanismes peuvent aussi contribuer à chauffer une planète.
Lorsque l’on modélise une planète gazeuse, on prend souvent une sphère qu’on divise en plusieurs couches :
- un cœur de sillicates
- un manteau de volatiles,
- une enveloppe d’hydrogène et d’hélium avec plus ou moins de métaux (c’est à dire des éléments plus lourds que l’hélium)
Mais lorsque l’on observe une planète de type Jupiter chaud, on n’a souvent accès qu'à deux paramètres : le rayon et la masse. Il faut ensuite chercher les paramètres qui permettent de mieux coller à l’observation. Mais c’est difficile de faire la différence entre une planète avec un cœure rocheux et une atmosphère composée d’hydrogène et d’hélium, et une planète composée principalement d’eau. En effet, dans les deux cas, on a des planètes avec des densités semblables.
Ainsi, connaître la composition d’une exoplanète est un exercice difficile, et il est facile de trouver des modèles qui permettent de coller aux observations mais qui sont faux pour autant.
Par exemple, de l’eau a été détectée sur l’exoplanète K2-18b. Naïvement, on pourrait penser que ça veut dire que la planète contient beaucoup d’eau et qu’on est plutôt face à une planète de type « boule d’eau ». Mais si cette détection d’eau est possible avec les moyens d’observation actuels, ça veut surtout dire que l’atmosphère est très étendue. Or pour avoir une atmosphère aussi étendue, il faut qu’elle soit très riche en hydrogène et en hélium. Il semblerait donc qu’on soit plutôt face à une planète de type « cœur rocheux + atmosphère H/He ».
Modélisation de la structure intérieure de Jupiter
Pour mieux comprendre le lien entre le rayon et la masse des exoplanètes géantes, on utilise la planète géante la plus proche de nous : Jupiter.
Avec les données collectées par la sonde Juno, on peut mesurer le champ de gravité de Jupiter et en déduire un modèle de l’intérieur de la planète. On a notamment découvert que Jupiter a un noyau dilué : il n’y a pas de frontière nette entre le cœur et le manteau de Jupiter, mais plutôt la concentration des différents éléments évolue progressivement avec la profondeur. On pense d’ailleurs que c’est le cas pour Saturne aussi, même si on a moins de données pour le confirmer.
Le modèle standard pour décrire l’intérieur de Jupiter (i.e. le modèle qu’on utilisait avant) utilise trois couches :
- une atmosphère riche en hydrogène moléculaire ($H_2$)
- un manteau riche en hélium avec de l’hydrogène métallique
- un noyau glacé.
Maintenant, on rajoute une couche entre le manteau et le noyau où la composition évolue progressivement. Le résultat obtenu avec ce nouveau modèle est très proche de ce qu’on observe effectivement avec la sonde Juno.
Composition des petites exoplanètes irradiées
C’est intéressant d'étudier les petites exoplanètes car elles constituent la majeur partie des exoplanètes existantes.
Par ailleurs, quand on regarde la masse des exoplanètes, on s’apperçoit qu’il y a deux pics dans la distribution. Il y a beaucoup de planètes qui font environ la masse de Jupiter, et beaucoup de planètes qui font un centième de la masse de Jupiter. Mais il n’y a pas beaucoup de planètes entre les deux.
Cette observation soulève une question : Est-ce qu’il s’agit de deux populations de planètes bien distinctes, avec des histoires évolutives différentes ? Pour répondre à cette question, on a besoin de connaître la composition interne de ces planètes pour savoir si on peut y déceler d’autres différences. En effet, la composition interne d’une planète nous fournit des informations sur le lieu où elle s’est formée : une exoplanète formée loin de son étoile va être riche en éléments volatiles (i.e. qui sont à l'état gazeux à faible température, comme l’hydrogène), tandis qu’une exoplanète formée proche de son étoile va contenir peu d'éléments volatiles et beaucoup d'éléments réfractaires (i.e. qui sont solides à faible température et ne passent à l'état liquide ou gazeux qu'à des températures très élevées, comme le fer).
L’observatoire spatial PLATO va être très utile pour répondre à ces interrogations. D’ici là, on construit des modèles pour être prêts à utiliser les nouvelles données dès que l’observatoire sera en fonctionnement.
Couplage entre la dynamique et l’atmosphère pour les exoplanètes proches de leurs étoiles
La plupart des exoplanètes qu’on a découvert ont une période inférieure à 1 mois (ce qui veut dire qu’elles sont très proches de leur étoile). Parmi ces exoplanètes, il y en a quasiment aucune qui fasse environ la taille de Neptune, alors qu’il y en a qui sont plus massives et d’autres qui sont plus petites. C’est ce qu’on appelle le désert de Neptunes chauds. Il est important de noter que ce désert n’est pas lié à un biais observationnel.
On ne comprend toujours pas complètement pourquoi il y a si peu de Neptunes chauds, mais on a quelques pistes. Une planète de la taille de Neptune très proche du Soleil pourrait voir son atmosphère s'évaporer très vite jusqu'à ce qu’il ne reste que le cœur rocheux de l’exoplanète ? Ou bien les planètes de la taille de Neptune pourraient migrer d’une façon particulière qui mènerait à ce qu’elles restent loin de leur étoile ou bien aille s'écraser dedans ? Ou peut-être est-ce une combinaison des deux facteurs ?
On pense que les Neptunes chauds ont pu se former loin de leur étoile et migrer plus récemment. En effet, dans la vie d’une étoile, les premiers millions d’années correspondent à un pic d’activité de l'étoile. Elle est alors plus chaude et l’atmosphère des exoplanètes les plus proches va s'évaporer d’autant plus vite. Pour qu’une exoplanète de type Neptune chaud ait conservé son atmosphère, il faut donc qu’elle se soit formée loin de son étoile et qu’elle ait migré après le pic d’activité de l'étoile.
Omar Attia travaille avec le programme JADE pour étudier le couplage entre les effets dynamiques (marées, flux stellaire, autres objets massifs distants,…) et atmosphériques (photo-évaporation, opacité de l’atmosphère, effet des différentes couches d’atmosphère,…) pour ces Neptunes chauds.
Le premier cas d'étude est l’exoplanète de type Neptune chaud du nom de GJ 436b. Son orbite est très excentrique et l'étoile autour de laquelle cette exoplanète orbite a environ 6 milliards d’années. Or avec le temps et les effets de marée, les orbites ont tendance à devenir de plus en plus circulaires. C’est donc surprenant que cette exoplanète ait encore une orbite elliptique.
On cherche à savoir s’il a pu y avoir par exemple des variations de l’excentricité de l’orbite au cours du temps, ou si elle s’est récemment rapprochée de son étoile.
Le deuxième cas d'étude est TOI-177. Ce Neptune chaud est en orbite d’une étoile de type M (i.e. une petite étoile pas très chaude) et sa période est d’environ 3 jours.
Lorsque l’atmosphère d’une exoplanète s'évapore très rapidement (ce qui peut se produire lorsqu’une exoplanète se rapproche trop de son étoile), l’atmosphère gonfle et le rayon de l’exoplanète peut devenir plus grand que le rayon de Roche. L’exoplanète est alors détruite par les effets de marée.
Or TOI-177 n’a pas été détruite, ce qui laisse penser que son atmosphère n’est pas une atmosphère d’hélium et d’hydrogène, mais qu’au contraire, elle est composée d’eau ou d’un autre élément qui la rend plus compacte.
Emballement de l’effet de serre
En première approximation, on peut considérer une planète comme étant un corps noir. Mais dès qu’une planète a une atmosphère, cette hypothèse ne tient plus, on a besoin de modèles plus complexes pour la décrire.
Prenons une petite exoplanète rocheuse avec un océan d’eau liquide à sa surface. Lorsqu’elle se rapproche de son étoile, sa température va augmenter. L’eau va alors s'évaporer plus rapidement. Or la vapeur d’eau est un gaz à effet de serre très puissant. La température à la surface de la planète va alors augmenter d’autant plus. Ce qui augmente la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère, ce qui augmente la température,…
On a alors un effet de serre qui s’emballe, jusqu'à ce que l’atmosphère devienne complètement opaque et que la chaleur ne puisse plus du tout s'échapper. La température à la surface de l’exoplanète peut atteindre dans ce cas des milliers de degrés.
Guillaume Chaverot étudie ces effets à l’aide de modèles qui représentent l’atmosphère d’une exoplanète en 3D. D’après ses modèles, avant l’emballement de l’effet de serre, les nuages sont répartis de façon plutôt uniforme autour de toute la planète. Mais une fois que l’effet de serre s’est emballé, tous les nuages s’accumulent du côté nuit de l’exoplanète. Cette répartition peut rendre le chauffage de la planète encore plus efficace, puisque le côté jour est chauffé au maximum par l'étoile en l’absence de nuages, et le côté nuit se refroidit beaucoup moins avec la couverture nuageuse.
Biais dans les observations de transits de Jupiters chaudes
Pour étudier les atmosphères des exoplanètes, on attend qu’une exoplanète passe devant sont étoile. C’est ce qu’on appelle un transit. Une partie de la lumière de l'étoile va alors traverser l’atmosphère de l’exoplanète et être modifiée par cette atmosphère. En comparant le spectre de l'étoile pendant le transit au spectre de l'étoile hors transit, on peut en déduire certaines propriétés de l’atmosphère.
Souvent, les astrophysiciens qui étudient les atmosphères des exoplanètes utilisent des modèles à une (l’atmosphère est divisée en couches, et chaque couche est homogène sur toute l’exoplanète. On considère dans ce cas qu’il n’y a que la hauteur selon laquelle l’atmosphère peut avoir des variations) ou deux (l’atmosphère varie en fonction de la hauteur et de la latitude, mais pas de la longitude) dimensions.
Pourtant, modéliser l’atmosphère d’une exoplanète en 3D est utile pour pouvoir prendre en considération plusieurs facteurs :
- des asymétries est-west avec l’atmosphère qui n’est pas identique à l’aube et au crépuscule
- l’atmosphère n’est pas uniforme sur toute la surface
- des différences entre le côté jour et le côté nuit
- les mouvements atmosphériques se font en 3 dimensions
Si on ne prend pas en compte que l’atmosphère d’une exoplanète est asymétrique, alors on ne peut pas complètement comprendre les données collectées lors d’un transit. En effet, le côté droit et le côté gauche de l’exoplanète ne vont pas interagir avec la lumière de l'étoile de la même façon. Le spectre ne sera donc pas le même au tout début (quand seulement un côté de l’atmosphère est traversé par la lumière de l'étoile) du transit qu'à la toute fin (quand c’est l’autre côté de l’atmosphère qui est traversé par la lumière de l'étoile).
William Pluriel réalise de nouvelles simulations pour prendre tous ces éléments en compte dans l'étude des atmosphères d’exoplanètes.
Comité Exoplanètes Transverse
La conférence Exosystèmes II est aussi l’occasion pour les scientifiques de s’organiser entre labos et de discuter des difficultés communes. On discute aussi de tous les instruments scientifiques présents et à venir : SPIRou, ARIEL, JWST, Exoclocks, CHEOPS, PLATO, ELT,…
Travaux pratiques
Après le déjeuner, on teste l’utilisation de logiciels de traitement de données. On termine la journée en « fabriquant » des atmosphères d’exoplanètes. On choisit une température, une composition, une épaisseur,… Puis on donne le spectre de notre exoplanète à une autre équipe qui doit deviner les paramètres qu’on a utilisé pour créer cette atmosphère. C’est pas si facile, et souvent pour un seul spectre, plusieurs explications sont possibles !