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La sonde Galiléo

Houston, notre parapluie a un problème !

Lecture de 5 Minutes

Vue d'artiste de la sonde Galileo.

En 1989, la NASA a envoyé une sonde explorer Jupiter et ses lunes. Puisque Galilée a découvert l’existence de lunes autour de Jupiter, la sonde a été baptisée Galileo en son honneur.

L’objectif de Galileo, c'était de prendre plein de photos et de mesures avec tous ses capteurs. Et pour envoyer toutes ces données vers la Terre, les scientifiques l’ont équipée d’une énorme antenne parabolique. Tellement énorme que l’antenne ne tenait pas dans la soute de la navette spatiale. Pour contourner le probl`eme, les ingénieurs ont tout simplement replié l’antenne comme un parapluie afin de la ranger pendant le lancement et la déplier au moment opportun.

Galileo est passée à côté de Vénus et a fait deux survols et la Terre pour prendre de la vitesse avant de s'élancer en direction de Jupiter. Lorsque la sonde est assez loin de la Terre, elle commence à déplier son antenne-parapluie, et là, ça coince.

Au moment où l’antenne coince, la sonde est trop loin de la Terre pour qu’on puisse la voir, et c’est évidemment impossible d’envoyer un astronaute sur place pour la réparer. Les ingénieurs mènent l’enquête à distance et comprennent assez vite que les moteurs n’ont pas réussi à complètement ouvrir l’antenne qui ressemble alors à un parapluie à moitié ouvert d’un côté. Ils font quelques manœuvres pour essayer de la débloquer, mais sans succès : quelques baleines de l’antenne-parapluie se sont soudées entre elles. Mais comment est-ce possible ??? D’habitude, quand on soude deux morceaux de métal ensemble, il faut au moins les chauffer !

Théoriquement, quand deux morceaux de métal sont vraiment l’un contre l’autre, les électrons peuvent passer d’un morceau à l’autre sans problème et ça devient impossible de séparer les deux morceaux de métal. C’est ce qu’on appelle la soudure à froid.

Mais dans notre quotidien sur Terre, c’est pas quelque chose qu’on voit souvent. En effet, l’atmosphère empêche deux morceau de métal de se souder à température ambiante, juste en étant en contact l’un avec l’autre. Déjà, à moins d’utiliser un outillage spécial, il va rester quelques molécules d’air entre les deux morceaux de métal, et ces molécules d’air vont empêcher les électrons de passer librement. En plus, tout l’oxygène qui est dans l’air va oxyder, ou faire rouiller le métal, et la petite couche de rouille va empêcher les électrons de passer et donc empêcher les morceaux de métal de se souder.

Et même si, en frottant les deux morceau de métal l’un contre l’autre, la couche de rouille est arrachée, elle va se reformer super vite avec tout l’oxygène qu’il y a dans l’atmosphère. Par contre, dans le vide interplanétaire, quand deux morceaux de métal frottent l’un contre l’autre, la couche de rouille protectrice est arrachée mais ne peut pas se reformer, puisqu’il n’y a pas d’oxygène. Et c’est ce qui est arrivé à la sonde Galileo. Deux des baleines ont frotté l’une contre l’autre et se sont retrouvées soudées ensemble, ce qui a rendu l’antenne-parapluie inutilisable.

Alors moi, en apprenant ça, je me suis demandée « Mais comment est-ce possible que les ingénieurs n’aient pas anticipé ce problème ? ». En fait, ils l’avait anticipé. Au moment de la fabrication de la sonde, les baleines de l’antenne-parapluie avaient bien été recouvertes de lubrifiant pour qu’il y ait toujours un peu de matière qui empêche les électrons de passer et donc éviter ce genre de problèmes.

Mais à cette époque, il y avait plein de problèmes avec la navette spatiale, et le lancement de la sonde a eu 5 années de retard pendant lesquelles elle a été trimballée d’un endroit à l’autre. Pendant ces voyages qui n'étaient pas prévus à la base, le lubrifiant s’est usé. Et une fois dans l’espace, il n’y en avait plus assez pour protéger les baleines de la soudure à froid.

Mais l’histoire ne finit pas là. Heureusement, il y avait une deuxième antenne plus petite à bord. Et même si elle ne pouvait transmettre qu’un dizième des données qu’aurait pu transmettre l’antenne-parapluie, ce problème technique à poussé les informaticiens de la NASA à développer de nouveaux algorithmes pour compresser les données. En d’autres termes, ils ont fait en sorte que les mêmes données prennent beaucoup moins de place, et les scientifiques ont quand même pu collecter plein d’informations sur Jupiter et ses lunes.

Grâce à Galileo, on a par exemple découvert que Ganymède a un champ magnétique et un énorme océan d’eau salée sous sa surface, on a étudié la composition de ce qui est éjecté par nombreux les volcans sur Io, on a constaté que la surface d’Europe se renouvelle avec la tectonique des plaques,…

Souvent en sciences, plus on apprend de choses, plus on a de questions qui nous viennent à l’esprit. Et Galileo ne fait pas exception à la règle. Galileo a aussi permis aux scientifiques de se poser plein de nouvelles questions au sujet des lunes de Jupiter, et de préparer le terrain pour les sondes qui ont été envoyées par la suite.


Vous pouvez écouter cette histoire dans le podcast SpaceSheep.

Image : Vue d’artiste de la sonde Galileo, NASA/JPL

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Docteur, astrophysicienne. Je joue de l'euphonium, du clavier et du télescope quand je peux.