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Astronomie, informatique, reflexions diverses

La petite sonde et l'astéroïde

Le voyage tumultueux d'Hayabusa

Lecture de 8 Minutes

Vue de la sonde Hayabusa qui rentre sur Terre.

Les missions spatiales, c’est généralement des prototypes. Et on a beau tester tout ce qu’on peut sur Terre avant de lancer la mission, c’est toujours possible d’avoir des surprises. Avec Hayabusa, c’est pas les surprises qui ont manqué, mais promis, c’est une histoire qui se termine bien.

Des petits bouts d’astéroïdes, il y en a un peu tout le temps qui tombent sur Terre. On les appelle des étoiles filantes, ou météores pendant qu’elles traversent l’atmosphère, et puis une fois qu’elles sont tombées on les appelle des météorites. Pour un astronome, les météorites sont précieuses pour comprendre le système solaire. Leur composition nous donne plein d’informations sur comment se sont formées les planètes, et certains pensent que l’eau présente aujourd’hui sur Terre a été apportée par les comètes et les astéroïdes. Du coup, les astronomes aiment bien trouver des météorites pour les étudier.

Mais les météorites ne nous disent pas tout ce qu’il y a à savoir sur les astéroïdes. Déjà, tous les gaz qui étaient piégés dans le morceau de caillou s'échappent pendant que l'étoile filante traverse l’atmosphère. Et puis quand on collecte des météorites, on sait pas forcément d’où elles viennent, donc on se retrouve avec une image incomplète.

Ce qui serait encore mieux que de collecter des météorites pour comprendre l’histoire du système solaire, ce serait d’aller sur l’astéroïde de notre choix, en prendre un petit morceau, le mettre dans une boîte étanche et le ramener sur terre pour l'étudier. Dans les années 90, l’agence spatiale japonaise (ou JAXA) a commencer à concevoir une mission pour faire exactement ça.

Avant cette mission, aucune sonde n’avait ramené d'échantillon d’un astéroïde. D’ailleurs aucune sonde n'était même entrée en contact avec un astéroïde. Et puis plusieurs technologies à bord de la sonde, dont les moteurs étaient aussi utilisés pour la première fois. Ça fait plein de premières pour une seule mission !

La sonde devait être lancée en 2002 vers l’astéroïde Nérée. À ce moment-là, la sonde n’a pas encore été baptisé : à la JAXA, la tradition veut qu’on baptise les missions spatiales après le décollage. Mais des problèmes avec la fusée retardent le décollage de six mois.

Pendant ce temps, l’astéroïde et la Terre orbitemt autour du Soleil à des vitesses différentes. Et l’astéroïde Nérée s'éloigne petit à petit de la Terre. Au moment où on peut faire décoller la sonde, c’est plus possible de rejoindre l’astéroïde qu’on visait au départ. Du coup, il faut chercher un nouvel astéroïde qui serait à la fois accessible et intéressant scientifiquement. C’est comme ça que l’astéroïde Itokawa est choisi.

Fin 2002, on s’est aperçus qu’un des matériaux utilisés dans la construction du moteur n'était pas celui qui était prévu à la base. Il a donc fallu faire une campagne de tests supplémentaires pour s’assurer qu’il n’y aurait pas de problème. Ce qui a encore décalé le lancement.

En 2003, c’est enfin le lancement. C’est à ce moment-là qu’on donne à la sonde le nom Hayabusa, qui signifie faucon pèlerin en japonais. Hayabusa passe deux ans à voyager pour rejoindre l’astéroïde Itokawa. Mais en chemin, pas de bol, il y a eu la plus grande éruption solaire de l’histoire. L'éruption a détruit une partie des panneaux solaires de la sonde. Du coup, Hayabusa n’avait plus assez d'énergie pour que les moteurs fonctionnent à plein régime, et elle ne pouvait plus aller aussi vite que prévu.

Sauf que quand on voyage dans le système solaire, tout doit être chronométré précisément, parce que tous les objets du système solaire sont en train de bouger. Donc si on arrive en retard, l’objet qu’on visait sera déjà parti. Mais en cours de routeles ingénieurs ont quand même réussi à calculer une nouvelle trajectoire pour que Hayabusa arrive quand même sur Itokawa, même si elle est arrivée plus tard que prévu.

En 2005, la sonde Hayabusa arrive sur l’astéroïde Itokawa. Cette histoire de défaillance des panneaux solaires a causé des problèmes pour le trajet retour. Si Hayabusa repartait trop tard, ça devenait impossible de rejoindre la Terre. Pour une mission qui devait ramener des échantillons, ç’aurait été dommage. Il a donc fallu écourter le temps passé sur Itokawa, histoire de repartir à temps.

Hayabusa se met en orbite à 20 kilomètres de l’astéroïde et commence à le cartographier en détail. Mais en juillet, les ennuis reprennent. Dans les engins qu’on envoie dans l’espace, on met des roues qui tournent très vite sur elle-mêmes et qui permettent de contrôler l’orientation du véhicule grâce au principe d’inertie. Ça s’appelle dès roues de réaction. Généralement, on en met trois : une pour chaque direction.

En juillet, une des roues de réaction casse. Et en octobre, une deuxième. Tout à coup, c'était plus difficile de contrôler l’orientation de Hayabusa. Mais en utilisant les propulseurs de la sonde, les ingénieurs ont quand même trouvé le moyen de poursuivre la mission.

En novembre, c’est la répétition générale de l’atterrissage. Quand on va pour se poser quelque part où on n’a jamais atterri, on aime bien faire toute la manœuvre qui mène à l’atterrissage, puis au dernier moment repartir sans toucher la surface. Comme ça on teste tous les systèmes et (presque) toute la procédure pour limiter le risque de s'écraser au moment de l’atterrissage réel. Hayabusa se rapproche donc de la surface de l’astéroïde, mais il y a beaucoup de relief, et la surface est beaucoup plus irrégulière que ce qu’on avait prévu. En plus, on un problème dans le système de navigation est détecté. Hayabusa est trop loin de la Terre pour qu’on puisse envoyer des commandes en temps réel, donc toute procédure d’atterrissage est automatique, et si le moindre problème est suspecté, l’atterrissage est interrompue pour éviter les risques de s'écraser.

Quelques jours plus tard, Hayabusa fait une nouvelle répétition générale pour l’atterissage. Cette fois-ci, Hayabusa largue une mini-sonde qui doit rouler à la surface de l’astéroïde Itokawa en prenant des photos, mais elle a loupé sa cible et a flotté au loin dans l’espace interplanétaire.

Après ces deux répétitions générales, on tente de collecter un échantillon le 19 novembre. Hayabusa touche la surface de l’astéroïde, rebondit et se repose. Malheureusement, elle s’est posée sur la tranche et ne peut pas collecter d'échantillon. Une demi-heure plus tard, Hayabusa redécolle et se remet en orbite. Certains propulseurs ont l’air d’avoir été endommagés par le choc du premier atterrissage, mais le 25 novembre, on fait un deuxième atterrissage. Normalement, Hayabusa doit tirer un projectile à la surface et collecter les débris qui volent. Mais on se rend compte après coup que les projectiles ont pas été tirés. On n’a donc aucune idée de si oui ou non un échantillon a été prélevé.

Initialement un troisième atterissage était prévu, mais à cause du retard qu'à pris la sonde sur son trajet vers Itokawa, il n’y a plus assez de temps et il faut repartir vers la Terre.

Le lendemain du deuxième atterrissage, il y a une fuite de carburant à bord. Ça déstabilise Hayabusa, et l’antenne qui permet de communiquer n’est plus pointée vers la Terre. On peut pas savoir comment se porte Hayabusa, et on peut pas non plus lui envoyer des commandes. Il faut attendre 2006 pour que les ingénieurs reprennent le contrôle de la sonde. Plusieurs systèmes sont HS, y compris certains qui devaient permettre de ramener la sonde vers la Terre. Il reste juste assez de carburant pour lancer Hayabusa en direction de la Terre. On lui donne une impulsion initiale en 2007 et on met tous ses systèmes en hibernation jusqu'à ce qu’elle soit au voisinage de la Terre.

En 2009, les ingénieurs réveillent Hayabusa. Ils ont inventé une technique pour orienter la sonde sans ses roues de réaction en utilisant la pression exercée sur ses panneaux solaires par les photons qui viennent du Soleil. Ils peuvent donc reprendre le contrôle de la sonde. C’est là qu’un autre moteur tombe en panne. À ce moment là, Hayabusa n’a alors plus qu’un moteur, ce qui n’est pas assez pour la ramener sur Terre. Mais les ingénieurs parviennent à combiner deux moteurs défectueux pour compenser et poursuivre la mission.

En juin 2010, Hayabusa est enfin de retour sur Terre. On la récupère en Australie et on l’emmène dans les laboratoires de la JAXA. On ouvre la capsule et on découvre que Hayabusa a réussi a collecter des grains à la surface d’Itokawa. Il y en a environ 1500 et ces grains font entre 4 et 30 micromètres. Pour vous donner un ordre de grandeur, c’est moins que la largeur d’un cheveu ! Mais c’est sûr, ces grains ont été collectés à la surface d’Itokawa.

Après tous ses rebondissements, cette histoire se termine bien. Grâce à Hayabusa, pour la première fois, on a pu étudier un échantillon du sol d’un astéroïde.


Vous pouvez écouter cette histoire dans le podcast SpaceSheep.

Image : Entrée dans l’atmosphère de la Terre de la capsule qui contient les échantillons d’Itokawa, NASA

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Docteur, astrophysicienne. Je joue de l'euphonium, du clavier et du télescope quand je peux.