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Les Mercury 13

Pourquoi les États-Unis n'ont pas envoyé la première femme dans l'espace ?

Lecture de 5 Minutes

Jerrie Cobb à côté d'une maquette de la capsule Mercury.

En 1962, treize femmes ont démontré que les femmes avaient les capacités requises pour devenir astronautes. Pourtant il a fallu attendre les années 80 pour que la NASA commence à recruter des femmes parmi les astronautes.

Un an après la mise en orbite du satellite soviétique Spoutnik, la NASA a lancé le projet Mercury avec pour but d’envoyer des américains dans l’espace. Et si possible, avant que les soviétiques le fasse.

En 1959, la NASA a choisi sept astronautes qui participeraient aux premiers vols du projet Mercury. On appelle ce groupe d’astronautes les « Mercury seven ». Ils sont à la fois pilote d’essai militaires et ingénieurs, sauf John Glenn, pour qui une dérogation a été accordée puisqu’il n’avait pas de diplôme d’ingénieur mais qu’il avait des relations.

Mais le diplôme d’ingénieur et l’expérience de pilote d’essai, c'était juste le début du processus de sélection des astronautes. Les candidats au poste d’astronaute devaient aussi passer une série d’examens réalisés à la clinique Lovelace pour vérifier qu’ils étaient en excellente forme physique et psychologique. A l'époque, on ne connaissait pas les effets du voyage dans l’espace sur le corps humain, donc la NASA voulait sélectionner des gens qui résistaient aux conditions les plus extrêmes.

Parmi les épreuves, les candidats devaient par exemple pédaler aussi fort que possible sur un vélo stationnaire jusqu'à atteindre l'épuisement. Ils devaient passer un certain temps dans une cuve d’isolation dans laquelle ils ne pouvaient rien voir, entendre ou sentir. Ils devaient résister au bruit, au froid, aux vibrations,… Bref, devenir astronaute c'était pas de tout repos.

Même si la NASA n’avait pas de politique explicite pour exclure les femmes, les femmes étaient de fait disqualifiées pour devenir astronaute, puisqu’un des critères de recrutement était une expérience de pilote d’essai sur avion à réaction militaire. Or l’armée américaine interdisait ces postes aux femmes. Dans l’Air Force, elles pouvaient être pilotes pour tracter des cibles pendant les entraînement, faire du transport de troupes ou convoyer des avions. Mais elles n’avaient pas le droit d’entrer dans l’académie des pilotes d’essai d’avions à réaction. Concrètement, on ne leur permettait pas acquérir l’expérience dont elles avaient besoin pour candidater au poste d’astronaute.

Pourtant, sachant que en moyenne les femmes sont plus légères que les hommes et que chaque kilo économisé sur la cargaison d’une fusée permet d'économiser dix kilos de carburant, que les femmes résistent mieux aux radiations, qu’elles mangent moins, et consomment moins d’oxygène, certains se sont demandé s’il ne serait pas plus pragmatique quand même d’envoyer des femmes dans l’espace. Et c’est pour ça que la clinique Lovelace qui avait déjà conçu et fait passer les tests pour les Mercury seven a décidé de lancer projet pour savoir si c'était faisable d’envoyer des femmes.

Jerrie Cobb est la première femme recrutée pour passer les mêmes examens que les Mercury seven. C’est une pilote chevronnée avec 7000 heures de vol, qui a établi plusieurs records du monde en pilotage et qui convoyait des avions militaires dans le monde entier. Elle réussit tous les examens, et pour certains examens, elle obtient même de meilleurs résultats que les Mercury seven.

Une fois que Jerrie Cobb a démontré que c'était possible pour une femme de passer les tests de sélection des astronautes, une vingtaine d’autres femmes pilotes ont été recrutées pour passer ces mêmes tests. Et pour que ces tests puissent avoir lieu, Jacqueline Cochran, une pionnière de l’aviation, a financé ces tests sur ses fonds propres. Parmi ces femmes pilotes, 13 d’entre elles ont réussi la première phase de tests sur trois et on a surnommé ce groupe de femmes les Mercury 13.

Parmi les tests, certains tests étaient réalisés à la clinique Lovelace, d’autres étaient réalisés avec des équipements militaires. Mais en plein milieu de la deuxième phase de tests, l’armée a demandé à la NASA s’il fallait continuer ces tests, et la NASA a répondu qu’elle n’avait pas besoin que ces tests soient effectués. Du coup, la campagne de tests a alors été interrompue du jour au lendemain.

L’affaire a été ammenée devant le Sénat américain et des auditions ont été organisées pour savoir si c'était envisageable de former des femmes pour devenir astronautes. Les Mercury 13 et l’institut Lovelace voulait aussi que la NASA autorise la poursuite des expériences qu’ils avaient commencé. Maaais la NASA a préféré maintenir le statut quo, et rien n’a été fait pour permettre aux femmes de devenir astronautes, ni même pour leur permettre de devenir pilotes d’essai dans l’armée d’ailleurs. Même les tests menés par la clinique Lovelace ont du être définitivement abandonnés, et il a fallu attendre les années 80 pour que la NASA recrute des femmes astronautes.

Une fois que la NASA a commencé à recruter des femmes astronautes, il a bien fallu se rendre à l'évidence : les femmes font d’aussi bonnes astronautes que les hommes.


Vous pouvez écouter cette histoire dans le podcast SpaceSheep.

Image : Jerrie Cobb, une des Mercury 13, devant une capsule Mercury

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Docteur, astrophysicienne. Je joue de l'euphonium, du clavier et du télescope quand je peux.