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Du vert, du orange, du jaune dans un espèce de gloubiboulga.

Il y a un objet céleste que j’aime tout particulièrement, déjà parce qu’il est beau, mais aussi parce qu’il y a plein d’histoires et de découvertes associées. Je veux vous parler de la nébuleuse du crabe.

En l’an 1054, des astronomes dans plusieurs parties du monde ont observé l’apparition d’une nouvelle étoile très brillante dans le ciel. Plus brillante même que toutes les autres étoiles, à tel point qu’elle était visible en plein jour ! On a notamment retrouvé des écrits chinois et japonais qui indiquent précisément la position de ce nouvel astre.

C’est ce qu’on appelle une supernova, avec nova qui vient du latin pour dire « nouveau », parce que c'était une nouvelle étoile dans le ciel. Et puis au fil des mois, sa luminosité à diminuée, jusqu'à ce qu’elle devienne invisible à l'œil nu.

On fait un saut dans le temps jusqu’en 1731 lorsque l’astronome anglais John Bevis découvre une nébuleuse dans le ciel. En 1758, cette nébuleuse va d’ailleurs devenir le premier objet dans le catalogue de l’astronome français Charles Messier. Elle a été surnommée « nébuleuse du Crabe », parce qu’un autre astronome anglais trouvait que la ressemblance avec l’animal était frappante. En vrai, les dessins de l’astronome ressemblaient peut-être à un crabe, mais la nébuleuse elle-même, pas du tout.

Un détail amusant, cette nébuleuse est tellement grande que de nombreux astronomes ont cru qu’elle était beaucoup plus proche de la Terre qu’elle ne l’est vraiment.

Mais à cette époque, on ne connaissait pas encore la nature de cet objet. Ce n’est qu’au 20e siècle qu’on comprend que cet objet flou dans le ciel est en fait un nuage de gaz et de poussière situé dans notre propre galaxie. Et ce nuage est en expansion ! Si on compare plusieurs images de la nébuleuse du crabe, on peut voir la différence d’une année sur l’autre.

Ce nuage a été provoqué par l’explosion d’une étoile en fin de vie. Et connaissant la vitesse à laquelle ce nuage grossit, on peut remonter dans le temps et trouver le moment où l'étoile à explosée. Et le calcul nous indique qu’elle a explosé … roulement de tambour … aux alentours de 1054 ! Et en plus, la position de la nébuleuse colle avec la position de la supernova observée en 1054. Il semblerait donc que la nébuleuse du Crabe soit le reste de la supernova observée par les astronomes chinois ! Quand on y pense, c’est assez fou qu’on puisse relier cet événement historique à un objet astronomique. La nébuleuse du crabe est même la première nébuleuse qu’on ait pu associer à une explosion de supernova.

Mais elle n’avait pas encore dévoilé tous ses secrets. Ce nuage de gaz et de poussière était encore très lumineux, alors que sa lumière aurait dû s’estomper depuis longtemps. Il y avait donc autre chose qui lui fournissait de l'énergie.

En 1967, Jocelyn Bell a découvert un nouveau type d’objets astronomiques : les pulsars. Un pulsar est le reste d’une étoile massive qui a éjecté ses couches externes. Il ne reste alors que le cœur de l'étoile qui fait environ la masse de notre Soleil et la taille de la Terre, donc c’est plutôt compact comme objet. Chaque pulsar émet de la lumière dans une direction et tourne très vite sur lui-même, ce qui fait qu’on voit des « pulses » de lumière, comme ce qu’on voit avec la lumière d’un phare.

Cette découverte a donné l’idée à d’autres astronomes d’essayer de trouver d’autres pulsars dans le ciel. Des astronomes ont repéré des pulsations au centre de la nébuleuse du Crabe. Pour déterminer la position et la fréquence de ce pulsar, ils ont utilisé le plus grand radiotélescope du monde : celui d’Arecibo – vous en avez peut-être déjà entendu parler, parce qu’il apparait dans un film de James Bond, et que plus récemment il a été détruit. En tout cas, les observations avec ce radiotélescope ont permis de confirmer la présence d’un pulsar au centre de la nébuleuse du crabe, ce qui explique d’où provient l'énergie de la nébuleuse.


Pour finir, je vous propose une anecdote bonus autour de cette nébuleuse et du pulsar qui se trouve en son centre.

Au cours d’une soirée d’observation grand public à l’Université de Chicago, les astronomes proposaient aux visiteurs de regarder la nébuleuse du crabe dans le télescope. Une des visiteuses a demandé quel était l'étoile au centre de la nébuleuse qui clignotait. Elle était pilote dans l’armée et faisant beaucoup de vol de nuit pendant lequel elle aimait regarder les étoiles, et elle n’avait jamais vu d'étoile clignoter de la sorte.

L’astronome qui menait la visite lui explique que lorsque la lumière qui provient des étoiles va être perturbée par des variations dans l’atmosphère, ce qui fait scintiller les étoiles. La visiteuse insiste, car elle a l’habitude de voir le scintillement des étoiles, et la façon dont l’astre au centre du pulsar clignotait était très différente. Mais elle n’a pas réussi a avoir de réponse à sa question ce soir là.

Ce n’est que quelques années plus tard qu’on a découvert le pulsar au centre de la nébuleuse du crabe. Et ce pulsar émet sur une bande de fréquences très large qui contient la lumière visible. Ce qui veut dire que c’est tout à fait possible que cette visiteuse ait vu le pulsar du crabe avant qu’il ne soit découvert !


Vous pouvez écouter cette histoire dans le podcast SpaceSheep.

Image : la nébuleuse du Crabe. NASA/Hubble.

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Docteur, astrophysicienne. Je joue de l'euphonium, du clavier et du télescope quand je peux.