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Visite au Pic du Midi

Balade touristique

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Une montagne enneigée en avant plan, la plaine derrière. On voit jusqu'au pied du massif central.

Cet hiver, je suis allée au Pic du Midi. J’y étais déjà allée pour faire des observations il y a trois ans, mais je n’avais alors pas eu le temps de visiter. J’en profite donc pour découvrir plein de choses que je n’avais pas vu avant et je partage ici cette visite avec vous.

On embarque dans la télécabine et c’est parti !

Un télécabine devant une montagne. Il est écrit « Pic du Midi » dessus.

Le TBL

On commence par aller voir le télescope Bernard Lyot, ou TBL. C’est le plus grand télescope en France, avec son miroir de 1400 kg, sa monture de 50 tonnes et sa coupole de 52 tonnes. On arrive au TBL en passant par les couloirs entre les fondations du télescope et les fondations de la coupole. En effet, si le télescope et la coupole étaient construits sur les mêmes fondations, les vibrations causées par le mouvement de la coupole dégraderaient la qualité des images.

Sous la coupole, il fait plus froid que dehors : la température est réglée pour correspondre à la température extérieure en début de nuit. Ainsi, lorsqu’on ouvre la coupole, il n’y a pas de turbulences atmosphériques qui se forment à cause de la différence de température.

Il faudrait un appareil photo avec lentille grand angle pour prendre en photo le télescope entier, car la coupole est à peine plus grande que le télescope + sa monture, donc on peut pas vraiment reculer pour prendre des meilleures photos. Dans cette image, la monture est la grande structure rouge, et le télescope est en position de parking à la verticale.

Sous le télescope, il y a un spectropolarimètre (la flèche de gauche dans l’image suivante) et une caméra (la flèche de droite). Le TBL est aussi relié au spectromètre NARVAL (qui sera bientôt remplacé par Neo-NARVAL). Ce sont des instruments scientifiques de haute précision utilisés par les astronomes professionels, notamment dans la recherche et la caractérisation d’exoplanètes.

On ne peut pas voir l’instrument NARVAL directement, car il est dans une chambre froide dont la température est maintenue au 1/10 de degré près. La stabilité de la température permet de comparer des données collectées à des moments différents.

Le miroir est tellement lourd qu’il se déforme sous son propre poids lorsqu’on l’incline. Il y a donc un ensemble de galets sous le miroir qui compensent cette déformation.

Le miroir (qui, je le rappelle, fait 1,4 tonnes) est un gros galet de verre, poli pour avoir la bonne forme, puis recouvert d’une fine couche d’aluminium pour le rendre réfléchissant par un procédé appelé aluminure.

Au sol, il y a une trappe qui permet de faire passer le miroir du télescope. En effet, tous les 6 mois, il faut refaire son aluminure. On démonte alors le miroir, et on le fait passer par la trappe sous laquelle il y a une cuve d’aluminure.

La coupole elle-même est un peu particulière, puisqu’il n’y a qu’une « pupille » qui s’ouvre.

On continue la visite en passant par les tunnels sous-terrains. Comme il fait très froid en hiver au Pic, tout est fait pour permettre aux gens qui y travaillent n’aient pas besoin de sortir.

Le télescope pédagogique

On fait un crochet par la coupole du T60. Ce télescope est utilisé par les étudiants de la fac et par des associations. C’est là que j’avais fait des observations trois ans auparavent dans le cadre de mon M2, mais depuis, le télescope a été remplacé par un télescope de 50 centimètres. C’est d’ailleurs le même modèle de télescope qui sera installé dans l’Observatoire Jocelyn Bell, à la fac de Toulouse.

Le télescope a été installé il y a seulement quelques semaines, donc il est encore en train d'être réglé. Mais il a l’air beaucoup plus commode à utiliser que celui qui était là avant.

Un peu plus tard dans la visite, je passe par la terrasse pour prendre une photo de la coupole du T60 de l’extérieur.

La tourelle et la lunette Jean Rösch

Une des coupoles a une forme un peu particulière. C’est celle qui abrite la lunette Jean Rösch, dédiée à l’observation solaire. Notre guide nous explique que la coupole est une ancienne tourelle de char.

Après de plus amples recherches, il semblerait que cette histoire de char soit une légende urbaine. La coupole a été conçu pour minimiser les perturbations atmosphériques autour de la lunette.

Dans l’image ci-dessus, on voit là où le tube de la lunette est glissé dans la partie « canon » de la coupole. Partie « canon » qui est tellement lourde qu’il y a des contrepoids sous la coupole pour tout équilibrer.

Le coronographe

Le coronographe sert à étudier la couronne solaire. Sur le même principe qu’une éclipse, un masque cache le disque solaire, ce qui permet de voir ce qui se passe juste à côté sans être ébouli par la lumière directe du soleil.

La lunette Jean Rösch et cet instrument sont complémentaires. L’une permet d’observer le disque solaire, et l’autre regarde la couronne.

Il y a d’ailleurs toute une collection de masques de diamètres très légérement différents. Le masque utilisé pour cacher le Soleil doit être changé plusieurs fois par an : l’orbite de la Terre n’est pas un cercle donc on n’est pas toujours à la même distance du Soleil, ce qui modifie son diamètre apparent.

Les observations faites avec ce télescope permettent notamment de prédire la météo de l’espace qui est utilisée – entre autres – par les millitaires. Lorsqu’il y a une tempête solaire, nous sommes protégés par la magnétosphère de la Terre, mais le vent solaire pourrait abimer l'électronique dans les satellites. Pour éviter ce genre de déconvenues, on essaye d'éteindre les satellites avant qu’ils ne soient touchés par le vent solaire. Et pour savoir quand éteindre les satellites, on utilise ce télescope.

Bien qu’il soit d’utilité publique, ce télescope ne continue d’exister et de fonctionner que grâce à du mécénat privé.

Il y a plusieurs instruments en un, avec différents filtres qui permettent de voir différentes parties de l’atmosphère solaire. Un filtre H$\alpha$, un filtre de calcium,…

D’habitude, la coupole d’un télescope est séparée de la salle de contrôle par une cloison opaque, et on surveille le télescope avec une caméra infrarouge : on veut pouvoir allumer la lumière dans la salle de contrôle, mais on ne veut pas que cette lumière pollue les observations. Ici, on voit le télescope depuis la salle de contrôle à travers une large vitre.

Sur les écrans de contrôle, on voit des protubérances.

Bientôt un nouveau filtre – celui-ci en fer 13 – sera installé sur le coronographe. Il permettra de mieux étudier le chauffage coronal (le fait que la couronne solaire soit à plus de 1 million de degrés, alors que la surface n’est qu'à quelques milliers de degrés).

Vous pouvez trouver les dernières images de cet instrument sur le site de l’observatoire de Midi-Pyrénnées.

Observatoire pas que astronomique

Des expériences de science du vivant ont aussi été menées au Pic du Midi. Par exemple, une expérience sur les lézards a montré qu’ils s’acclimatent très bien à l’altitude.

Il y a aussi des expériences de physique des particules qui sont menées ici. Des scientifiques profitent notamment de l’altitude pour détecter la décomposition de muons. Je n’ai pas vu les instruments qui permettent de faire ces mesures, mais au musée de l’observatoire, il y a une chambre à brouillard qui illustre le principe.

Un fond noir. En blanc, il y a des gros traits droits et des petits traits qui tortillonnent.

Les traits de différentes formes dans la chambre à brouillard sont produits par différent types de particules.

Le musée

Plein d’instruments de mesure anciens sont conservés au musée du Pic. Des astrolabs, des télescopes, des héliographes, des baromètres…

Un documentaire sur l’histoire du Pic du Midi est projeté. L’observatoire a vu le jour grâce à un général qui avait été déchu après avoir refusé de tirer sur la foule à Toulouse. Lors de sa construction initiale, tout a été monté à dos d’humain et d'âne.

Le télescope de 1 m

On termine la visite guidée par le télescope dont l’imposante coupole est la première chose qu’on remarque quand on arrive sur la terrasse. Ce télescope a été construit afin d’observer la Lune en préparation des missions Apollo.

La coupole est particulièrement étroite, et c’est encore plus difficle de prendre des photos du télescope.

Le pointage du télescope se fait en partie à la main. Sur le côté du tube optique, il y a une loupe (le boitier gris avec une vitre au milieu) qui permet de lire les graduations sur le côté de la monture.

La terrasse

Je profite d'être là en touriste pour admirer le paysage. Le Pic du Midi est le 232e en terme d’altitude dans la chaîne des Pyrénnées. Mais il est très bien placé, ce qui permet d’avoir une vue incomparable. En plus, la météo est bonne, donc on voit le phare de Biarritz (quoique seulement de nuit), la centrale de Golfech, les remparts du massif central… Mais surtout, on a une vue incroyable sur le massif des Pyrénnées. Il y a aussi des oiseaux qui volent en contrebas.

Conclusion

Le Pic du Midi est un observatoire astronomique assez chouette avec environ 100 jours par an pendant lesquels on peut observer (le reste du temps, il fait pas assez beau), plein de télescopes, des collaborations entre astronomes professionels et amateurs,… Et j’ai hâte d’y retourner pour faire des observations !

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À Propos

Docteur, astrophysicienne. Je joue de l'euphonium, du clavier et du télescope quand je peux.