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Astronomie, informatique, reflexions diverses

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Un télescope sous une coupole ouverte. On voit les étoiles dehors. À l'avant-plan, il y a une console.

En 1967, les astronomes à l’Observatoire de Haute-Provence ont découvert des flashs de potasium en observant quelques étoiles. Mais la physique qu’on connaissait ne permettait pas d’expliquer comment une étoile pouvait générer ces flashs. Y avait-il des extraterrestres qui essayaient de communiquer avec nous ?

La lumière est constituée de plusieurs couleurs et peut être décomposée en chacune des couleurs qui la composent. Le résultat de cette décomposition est ce qu’on appelle un spectre, et c’est ce qui se passe quand on voit un arc-en-ciel : la lumière du Soleil est décomposée en plusieurs couleurs par les gouttes de pluie.

Et si on regarde les couleurs qui composent la lumière, on peut en déduire des choses sur l’objet qui a émis la lumière. En effet, chaque atome va émettre une ou plusieurs couleurs très spécifiques dans certaines conditions. Par exemple, le sodium peut émettre de la lumière jaune, tandis que le mercure peut émettre de la lumière bleue.

Les appareils qui permettent de décomposer précisément la lumière d’une étoile s’appellent des spectromètres, et ils sont très utilisés en astronomie. En effet, quand on décompose ainsi la lumière qui nous provient d’une étoile, ça nous permet – entre autres – de savoir quels atomes se trouvent dans sa couche externe.

A l’observatoire de Haute-Provence, dans le village de Saint-Michel l’observatoire, il y a un télescope équipé d’un spectromètre. Dans cet observatoire en 1967, alors qu’on était en train de mesurer le spectre d’une étoile, on voit ce spectre brusquement varier. Alors, que la lumière d’une étoile varie, ça arrive assez souvent, et pour plein de raisons différentes : le passage de quelque chose devant l'étoile, un changement dans les réactions de fusion au cœur de l'étoile, etc… Mais là, on avait jamais vu un spectre d'étoile varier comme ça : dans le spectre, la couleur associée au potassium est brièvement apparue très vivement. On appelle ça un flash de potassium, et à l'époque, les astronomes ne savaient pas ce qui produisait ces flashs. Ils se sont donc mis en quête d’essayer de résoudre ce mystère.

Il y a encore deux autres étoiles pour lesquelles on a vu un flash de potassium à l’observatoire de Haute-Provence. Mais on ne connaissait toujours pas la cause de ces flashs. Pour essayer de comprendre leur nature et les conditions dans lesquelles ils se produisent, les astronomes ont décidé de mesurer de façon semi-automatique le spectre de 126 étoiles très brillantes pour essayer de repérer d’autres flashs de potassium.

Mais ils n’ont vu de flash de potassium dans aucune de ces 126 étoiles. C'était donc un hasard plutôt surprenant si trois étoiles sans lien particulier entre elles avaient des flashs de potassium. D’ailleurs, les astronomes ne trouvaient aucun mécanisme physique au sein d’une étoile qui pourrait expliquer ces flashs de potassium, et ils ne comprenaient pas comment il pouvait y avoir autant de potassium autour d’une étoile.

En menant des expériences, les scientifiques ont constaté que si on allume une alumette à un endroit précis de l’observatoire et que le télescope est orienté d’une certaine façon, alors on observe un flash de potassium au niveau du spectromètre. Et ce flash est exactement comme ceux qui avaient été mesurés pendant l’observation des trois étoiles. Plusieurs types d’allumettes ont été testées, et toutes généraient ce même flash de potassium. C'était donc possible que les flashs dans le spectre des étoiles ne soient pas liés aux étoiles elles-mêmes, mais plutôt à quelque chose sur Terre, et ce n'était clairement pas des extraterrestres.

En fin de compte, il y avait quelqu’un à l’observatoire qui faisait fumait pendant les observations. Et il se trouve par hasard que pendant certaines observations, il a allumé sa cigarette au bon endroit pour que le flash de potassium généré par l’alumette s’affiche dans le spectromètre.

Par conséquent, les flashs n'étaient pas un nouveau phénomène astrophysique mais plutôt un phénomène terrestre qui a masqué une partie du spectre réel de l'étoile. Et surtout, les spectres dans lesquels ces flashs apparaissent sont inutilisables pour comprendre la nature des étoiles.

Il y a très peu de lumière émise par chaque étoile qui arrive jusqu'à nous. Par conséquent, quand on fait de l’astronomie, c’est important de s’affranchir de la lumière générée par les être humains pour éviter de masquer la lumière des étoiles. C’est pour ça que les observatoires astronomiques sont construits loin des villes. Mais avec les méga-constellations de satellites telles que Starlink qui sont en cours de déploiement, même les endroits les plus reculés sur Terre voient la lumière réfléchie par ces satellites. Et les satellites peuvent être beaucoup plus brillants que les étoiles d’arrière-plan. Les observatoires astronomiques sont déjà touchés par cette nouvelle forme de pollution lumineuse, avec des mesures rendues inutilisables par le passage inopiné de satellites Starlink dans le champ de vue du télescope. Comme avec les flashs de potassium, on a une activité humaine qui nous empêche d’observer les astres.


Vous pouvez écouter cette histoire dans le podcast SpaceSheep.

Image : Le télescope de 193 cm de l’Observatoire de Haute-Provence.

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Docteur, astrophysicienne. Je joue de l'euphonium, du clavier et du télescope quand je peux.