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Les mystères de Vénus

Heureusement, on va bientôt envoyer plein de sondes pour l'explorer

Lecture de 9 Minutes

Un volcan à la surface de Vénus.

Le mois dernier, trois missions pour Vénus ont été approuvées. La première, la sonde Veritas, envoyée par la NASA va se mettre en orbite autour de Vénus pour cartographier sa surface en 3D. Elle va aussi essayer de trouver de quoi la surface est faite et mesurer avec précision s’il y a des parties de la planète qui sont plus denses que d’autres. La mission DAVINCI+, aussi envoyée par la NASA, va d’abord survoler Vénus et regarder les mouvements de l’atmosphère. Et puis elle traversera l’atmosphère jusqu'à atterrir pour voir de quoi l’atmosphère est faite. Enfin la sonde EnVision, cette fois-ci envoyée par l’agence spatiale européenne, en coopération avec la NASA va elle aussi se mettre en orbite autour de Vénus. Elle aura plein d’instruments scientifiques à bord pour tout observer de l’atmosphère jusqu'à la composition interne de la planète.

Avec ces trois missions complémentaires, on va apprendre énormément de nouvelles choses sur Vénus, et peut-être même mieux comprendre le climat et l’histoire géologique de la Terre. Mais qu’est-ce qu’on sait déjà sur Vénus ?

Avant qu’on commence à explorer les autres planètes à l’aide de sondes spatiales, les seules choses qu’on pouvait savoir au sujet des planètes autres que la Terre, c’est ce qu’on pouvait voir avec un télescope. En gros pour Vénus, on connaissait les caractéristiques de l’orbite, le diamètre de la planète, et en rusant un peu, on avait trouvé qu’il y avait une atmosphère et qu’il y faisait plutôt chaud.

Comme Vénus est la planète la plus proche de la Terre que qu’elle a presque la même taille que la Terre, plein de gens ont spéculé sur une éventuelle civilisation vénusienne. Et puis Vénus est entourée d’une épaisse couche de nuages opaque, donc on pouvait imaginer ce qu’on voulait en dessous. D’ailleurs, dans les années 30, 40, 50, plein d’auteurs de science-fiction comme H.P Lovecraft ou Robert Heinlein ont imaginé des civilisations entières qui vivaient sous les nuages vénusiens. Certains ont imaginé des jungles et des océans qui recouvrent la planète, d’autres ont imaginé des déserts. Mais quand on a commencé à l’explorer, on s’est vite appreçus que Vénus ne correspondait pas du tout, mais alors pas du tout à nos attentes.

En 1961, avant même qu’on commence à explorer Mars, la sonde soviétique Venera 1 a survolé Vénus. Malheureusement, le contact radio a été perdu avec la sonde juste avant qu’elle arrive à proximité de Vénus, donc aucune donnée scientifique n’a pu être récoltée. D’ailleurs les débuts de l’exploration de Vénus ont été plutôt difficiles : entre 61 et 67, l’URSS a essayé 16 fois d’envoyer des sondes vers Vénus, à chaque fois avec plein d’instruments scientifiques à bord, et à chaque fois, c'était plus ou moins un échec.

Les Etats-Unis de leur côté ont envoyé beaucoup moins de sondes, et des sondes beaucoup moins ambitieuses, mais ils ont aussi eu plus de succès. En 62, les Etats-Unis ont envoyé Mariner 2 qui est passée à 35 000 kilomètres de Vénus. Pour vous donner une idée de ce que ça représente 35 000 kilomètres, il y a des satellites météo autour de la Terre qui sont à peu près à cette distance là de la Terre, donc c’est vraiment pas si loin que ça. Cette fameuse sonde Mariner 2 a permis de découvrir que l’atmosphère est à 500 degrés, et que contrairement à la Terre, Vénus n’a pas de champ magnétique global. Ce qui veut dire que si on est à la surface de Vénus, une boussole va pas nous indiquer la direction du nord. On pense qu’il a dû y avoir un champ magnétique global dans le passé, mais un des mystères qui reste encore à élucider aujourd’hui, c’est pourquoi et comment le champ magnétique vénusien s’est arrêté.

Ensuite, c’est Mariner 5 qui a mesuré le champ magnétique de Vénus plus précisément, puis Mariner 10 qui a pris des photos du dessus des nuages qui englobent Vénus, révélant ainsi qu'à la surface des nuages, le vent souffle à plus de 350 km/h !

En 1967, nouvel exploit dans l’exploration vénusienne. La sonde soviétique Venera 4 est allée s'écraser à la surface de Vénus. C'était la première fois qu’un objet manufacturé traversait l’atmosphère d’une autre planète. Certes, elle a arrêté de fonctionner avant de toucher le sol, mais elle a quand même mesuré la composition et la pression de l’atmosphère pendant sa descente. Et c’est comme ça qu’on a appris que l’atmosphère vénusienne est composée à 95% de CO2, et que la pression atmosphèrique est 100 fois plus élevée que sur Terre. Cette planète qu’on pensait être la sœur jumelle de la Terre, comment est-ce que son atmosphère a pu devenir aussi différente ? Aujourd’hui encore, c’est un des nombreux mystères de Vénus.

Sept autres sondes Venera se sont posées sur Vénus et quatre d’entre elles ont même renvoyé des photos de la surface ! Mais aucune n’a fonctionné très longtemps à cause des conditions infernales à la surface. Le record de longévité à la surface de Vénus est détenu par Venera 13, avec seulement deux heures passées à la surface avant d’arrêter de fonctionner. Malgré leur courte durée de vie, ces sondes ont quand même permis de découvrir l’existence d'éclairs, de regarder la composition du sol et de façon plus générale d’affiner la connaissance qu’on avait de l’atmosphère. Les auteurs de science-fiction n’avaient pas imaginé à quel point Vénus était inhospitalière !

Du coup, envoyer des sondes à la surface de Vénus, c’est hyper compliqué. Par contre, des sondes en orbite autour de la planète, et des sondes qui traversent juste l’atmosphère sur quelques dizaines de kilomètres, c’est déjà plus faisable. Et c’est exactement ce qu'à fait la NASA avec la mission Pioneer. Pioneer 1 s’est mise en orbite et a passé plus de 14 ans à observer Vénus à plein de longueurs d’ondes différentes, ce qui a permis de voir ce qui se passait sous les nuages. Et puis Pioneer 2 a laissé tomber 4 sondes à travers l’atmosphère à différents endroits de la planète, pour pouvoir comparer l’atmosphère à plusieurs endroits au même moment.

Quelques années plus tard du côté soviétique, c’est les sondes Vega qui ont largué des ballons bardés de capteurs pour flotter dans l’atmosphère. Et même si les conditions à la surface de Vénus sont infernales, plus on monte dans l’atmosphère, moins il fait chaud, et moins il y a de pression. Il y a même certains altitudes où les conditions de pression et de température ressemblent même un peu à celles qu’on trouve sur Terre. Et du coup, les ballons ont pu survivre deux jours qu lieu d'être immédiatement détruits comme pour les sondes Venera.

En 89, c’est la sonde Magellan qui est partie. Elle a cartographié presque toute la surface de Vénus beaucoup plus précisément que ce qu’avaient fait toutes les sondes précédentes : chaque pixel dans les images de Magellant montre 300 mètres à la surface. Comparé à ce qu’on est capables de faire aujourd’hui, c’est pas hyper précis comme résolution, mais ça nous a quand même permis d’en apprendre pas mal sur la géologie de la planète. On a par exemple découvert de grandes chaines de montagnes, avec d'énormes coulées de lave. Mais on ne sait pas à quel point Vénus est active aujourd’hui.

Et puis on a découvert qu’il n’y a pas beaucoup de cratères d’impact à la surface de Vénus. Sauf que des cratères d’impacts, il y en a sur Mars, sur Mercure et sur toutes les lunes des planètes. Donc il a surement dû y en avoir sur Vénus, mais ils ont tous été effacés. Mais par quoi ? Et ben aujourd’hui, on sait toujours pas. Encore un mystère de Vénus.

Au fil des années, quelques sondes comme Gallileo, Cassini et MESSENGER sont passés à côté de Vénus tandis qu’elles étaient en chemin vers d’autres planètes. Et à chaque fois, les scientifiques du passage près de Vénus pour allumer les instruments à bord et glâner quelques infos supplémentaires sur Vénus. Mais c'était forcément des passages express qui ne nous donnent qu’une vision très réduite de la planète. C’est qui est déjà drôlement bien, mais pas suffisant pour nous donner une vision plus globale et comprendre Vénus dans son ensemble.

Après Magellan en 89, il a fallu attendre 2005 avant qu’une autre mission dédiée à Vénus soit lancée, avec Venus Express, la première mission vers Vénus de l’agence spatiale européenne. Elle continue encore aujourd’hui à renvoyer des données vers la Terre. Et grâce à ces données, on a pu découvrir par exemple qu’il y a eu des océans sur Vénus dans le passé. Et c’est assez incroyable quand on pense aux conditions qui y règnent aujourd’hui d’imaginer qu’il y avait des océans avant.

Et puis en 2010, l’agence spatiale japonaise (ou JAXA) a envoyé la sonde Akatsuki vers Vénus pour étudier le climat. Après quelques manœuvres difficiles, ils ont réussi à mettre Akatsuki en orbite autour de Vénus. Depuis, elle suit la météo sur Vénus et cartographie l’atmosphère en 3D. De façon assez surprenante, elle a pas réussi à détecter d'éclairs, alors que Venera en avait observé. Encore un mystère à éclaircir…

Bref, au cours des 35 dernières années, il n’y a eu que trois missions dédiées à Vénus. Et en 35 ans, les techniques d’observation et de mesure ont beaucoup progressées. Et notre compréhension des planètes rocheuses s’est aussi significativement améliorée. Donc en quelques sorte, il est grand temps qu’on retourne sur Vénus, parce qu’on a plein de choses à y apprendre et qu’on a des outils pour le faire qu’on n’avait pas dans les années 70.

Finalement, même si Vénus c’est la première planète autre que la Terre à avoir été explorée, on sait assez peu de choses à son sujet et il reste encore plein de mystères à élucider. Et comme elle est très différente des autres planètes, on a plein de choses à y apprendre. Du coup, c’est vraiment chouette qu’on y envoie des sondes pour l’explorer un peu plus dans les années à venir.


Vous pouvez écouter cette histoire dans le podcast SpaceSheep.

Image : Vue en 3D d’un volcan sur Vénus, reconstituée à partir des données collectées par Magellan, NASA/JPL. ​

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Docteur, astrophysicienne. Je joue de l'euphonium, du clavier et du télescope quand je peux.